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dix fois rien
30 juin 2009

la ville et autres envie

A l’arrière d’un taxi, la ville se défile à moi à travers la buée sur la vitre. Elle me passe sous mon nez. Ça me revient comme par la mémoire du toucher, tout reprend sa place dans mes bronches. Je revois la chambre de mon enfance. A l’arrière de ce taxi, en plein milieu de la nuit. A l’arrière de ce taxi, de la musique bosniaque. Tout à coup, j’ai oublié chacune des raisons qui m’ont poussé à partir, comme celles qui m'ont fait revenir.

A l’arrière de ce taxi, la musique m’enivre comme un besoin d’air froid. Je demande la permission au chauffeur comme un avion en difficulté. Il roule trop vite, mais les boulevards sont déserts et j’adore ça. L’air glacial, à l’arrière de cette voiture, je ne sais pas pourquoi je suis revenu. D’ailleurs, je ne suis pas certain de savoir où je suis.

Je me rappelle avoir embrassé A. dans un taxi après une de nos virées bouffe. C’était tout à l'opposé du monde, mais dans ma tête c'était dans les parages. De nuit, traverser Paris. Ou une autre envie. D’où j’ai tout oublié sans m’en libérer complètement. Tout me semble vain, décalé, familier sans me parvenir. Sans y appartenir. Tout, les enseignes, les vitrines, les affiches, même le calibre des réverbères et des trottoirs. Même l’allure de ce taxi m’est étrange et sans goût. L’air est beaucoup trop glacial, alors je referme la vitre.

Il y a, par-dessus la musique, cette voix amie/ennemie qui me rappelle sans cesse que je rentre chez moi. Je la fais taire, je l’enterre sous la musique bosniaque. Si je rentre chez moi, alors pourquoi je vais dans cette direction ? Pourquoi je suis là ?
A l’arrière de ce taxi, je ne sais plus trop qui je suis.

Je pose une question au chauffeur. Sur la vie d'ici et les coutumes pour être sûr que je suis bien au bon endroit. J'ai peur en attendant sa réponse. Peur qu'il infirme, qu'il confirme. C'est comme un mélange d'eau chaude et d'huile. Incompatible.
La course touche à sa fin. Je le sais, car je connais ces rues par cœur. Il faut bien l’admettre. Sur la banquette arrière, j’aimerais rester indéfiniment, sans déterminant. Lové contre la mollesse des sièges en cuir noir. Une larme traverse mon visage, s’engouffre dans les rides que j’ai acquises ces derniers millénaires et qu'elles ne se voient pas encore. Je pleure. C’est parti, je pleure en silence. Camouflé? Suis-je bien camouflé? J’ai peur de perdre quelque chose ici ou alors de m’y retrouver. De finir par comprendre.

Il ne me reste pas d'autres solutions que de me laisser glisser sur la banquette et regarder la ville passer devant mon nez. Je me laisse entraîner dans la ville de mes autres envies, tout ça pour rester un peu mieux en vie.

J'écrirai.

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